Or donc pour ma part le jeu de rôle est sûrement l'aboutissement du plus vieux mode de divertissement (hormis la chasse, la baston, et le sport en chambre ...
) de l'humanité. En effet avant l'invention de la télé-réalité, du cinéma en odorama, des jeux du cirque, du théâtre dramatique grec, ou de l'écriture, les hommes et les femmes se racontaient déjà des histoires, pour provoquer des émotions (peur, joie, rire ...), pour édifier, apprendre, se souvenir, ou tout simplement pour passer le temps durant les longues soirées d'hiver, bref pour se divertir (du latin "disverto" = se tourner vers ... autre chose).
Je rejoins en cela, de mon point de vue de Maître du jeu, l'idée de ma très chère qui apprécie le jeu de rôle comme un divertissement permettant de quitter un temps la morne réalité, pour embrasser le rêve, l'évasion, l'aventure ...
Mais le jeu de rôle est bien plus pour moi qu'un simple divertissement, c'est avant tout un Art, "Ars Ludis" diraient nos ancêtres latins. C'est peut être un peu prétentieux, voire morgue de ma part, d'élever notre passion à ce rang, mais pourtant je pense que cela est justifié car tout un chacun peut très bien le vivre comme un art.
J'éprouve en effet d'abord un grand plaisir à lire un jeu, comme je le ferais pour une oeuvre littéraire, et la qualité d'écriture et de présentation de certains jeux récents (je peux citer Qin, ou Capharnaum, à titre d'exemple, et pas que pour faire plaisir à Rom1 ... mais aussi Crimes, Maléfices ... je ne cite pas de jeux en vo car je ne me pense pas assez averti pour juger de leur qualité littéraire) ne me fera pas mentir.
Ensuite le processus de création d'un scénario ou d'une campagne se rapproche de celui d'un auteur, scénariste de film, ou dramaturge. C'est l'un de mes aspects préférés, loin d'être évident (comme dans les séries télé ils faut sans cesse essayer de faire original en prenant les bonnes vieilles recettes qui fonctionnent), même après plus de vingt ans de pratique. En plus, quelle angoisse quand on se pose la question existentielle de savoir si la "mayonnaise" va prendre ou non, comment nos joueurs vont réagir, la progression de l'intrigue, les enchaînements sont-ils logiques, la difficulté bien dosée, surmontable, les PNJ intéressants, riches ... ?
Enfin c'est le jeu lui même. Je ne suis pas MJ par hasard. Mon plaisir principal dans le JDR tient dans le fait de mettre en scène mon intrigue, de "réaliser" mon histoire, de faire vivre le monde, ses habitants, ses lieux, ses décors, ses spécificités et originalités, sa richesse, sa beauté, sa complexité, sa magie ... et tout cela avec les joueurs, pour les joueurs. La démarche artistique réside avant tout là dedans ; c'est le but de tout artiste que de faire entrer ses spectateurs dans son oeuvre, sauf que là les spectateurs ont et doivent avoir la possibilité de se l'approprier. Ils sont, et doivent être pleinement acteurs de l'intrigue. C'est malheureusement aussi le point le plus crucial et le plus délicat à traiter, même s'il fait tout l'intérêt du jeu de rôle (sinon autant jouer tout seul ou écrire un livre), car il s'agit aussi dans un même temps pour le MJ de préserver un équilibre, de jouer son rôle d'arbitre, de modérateur, car on sait à quel point les joueurs peuvent être durs à contenir quand on leur donne les moyens d'agir !...
Voilà en somme ce que je peux dire du JDR, le débat est ouvert, plus que jamais !